5ème dimanche de Pâques

Le texte.         Jean 15, 1 – 8 (Les mots en italique sont plus proches de l’original que les mots du missel.)

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : «Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève. Tout sarment qui donne du fruit, il le purifie pour qu’il en donne davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite : ‘’Demeurez en moi, comme moi en vous.’’ De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous les sarments. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu’on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l’obtiendrez. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples. »

L’homélie.

 « Demeurez en moi comme moi je demeure en vous.» N’est-ce pas le sommet des paroles de Jésus, ce soir-là ? Le verbe ‘demeurer’ est de fait bibliquement très  chargé. Au cours de son histoire, le peuple de Dieu fut sans cesse sur les routes, dans l’espoir d’atteindre la « terre » où il pourrait « demeurer ». Ce fut en Canaan mais, de là aussi, il fut exilé, en terre païenne. D’où son rêve permanent du « retour », d’être un jour « chez lui ». Mais une terre a-t-elle vraiment été offerte par Dieu ? N’était-ce pas plutôt un énorme malentendu ? Ce fut, à mon sens, la grande découverte au 3e siècle avant Jésus, avec l’évocation des « Pauvres de Yahwéh » (1).

En effet, est-il pensable que Dieu offre à un peuple une terre à conquérir et à garder par les armes (2) ? Au centre de la Loi n’y a-t-il pas « Tu ne tueras point » ? Or, c’est par d’incessantes guerres que David et puis Salomon ont conquis leur pays. Qui s’est très vite divisé entre le Nord (Israël) et le Sud (Judas). Le Nord sombra au 8e siècle. Et le Sud au 6e, avec la destruction du Temple. Et bien des Juifs connurent l’exil, à Babylone. Quand 40 ans après, Cyrus, roi de Perse, leur permit de rentrer à Jérusalem et environs, beaucoup le firent avec une immense espérance. Ils allaient retrouver leur royaume... Mais en fait, leur pays ne cessa plus d’être occupé par des armées étrangères successives, jusqu’à notre 20e siècle...

Mais alors qu’était devenue la promesse d’une terre à eux ? Dieu les aurait-il trompés ?  Le courant du « Petit Reste » (1) affirmait : dès le point de départ, il y eut malentendu. Un pays, pour exister ne doit pas être puissant.   Un pays est grand parce que surtout s’il adore Dieu en vérité, s’il lui est fidèle et respecte ses Dix Paroles. Et surtout s’il respecte les petits, les pauvres, les humbles, les privilégiés de Dieu et qu’il ne cherche pas à s’étendre au détriment des voisins... Ce courant des « Pauvres de Yawéh » fut toujours  minoritaire  en Israël et, malheureusement aussi, dans notre Eglise ! Pourtant Marie, Joseph, des disciples et, évidemment Jésus lui-même, étaient, bien sûr, de ce courant...

Ils avaient découvert que l’important était que Dieu « demeure » au milieu  d’eux. C’est là où Dieu est accueilli que se trouve la véritable « terre ». Non pas grâce à des efforts humains mais parce que c’est Dieu qui le veut : « Comme moi, dit Jésus, je demeure en vous ». Et c’est offert. Et tout être humain est invité à collaborer à ce don, par des attitudes d'accueil, d'écoute, de paix, de partage, de pardon, de respect, de justice. Des attitudes qui favorisent la relation à autrui et rendent nos sociétés humaines. C’est à ce style de vie que devraient conduire la prière et l’eucharistie. Bien sûr, les forces contraires sont puissantes. Ce qui n’empêche pas Jésus de  renouveler sa promesse de « demeurer en nous ». Lui qui a vaincu les forces de mort. Avec cette merveille, que plus nous multiplions les attitudes d’accueil vis-à-vis d’autrui, plus nous contribuons à la croissance du Royaume de Dieu dans ce monde. 

Reste la parole de Jésus : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » Il me semble aller de soi qu’elle ne s'adresse qu'à celles et ceux qui ont la chance, la ‘grâce’, de le connaître. N’y a-t-il pas en effet des multitudes qui ignorent l’existence même de Jésus et qui accomplissent des choses merveilleuses. Pensons à celles et ceux à qui Jésus dira au dernier Jour : « Venez à moi les bénis de mon Père ...  Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ... etc. » (3) Les « bénis de mon Père » ce sont, bien sûr, les innombrables êtres humains qui ont veillé au bonheur de leur prochain. Eux aussi, habités par l'Esprit Saint, édifient le Royaume.

(1) « Je maintiendrai au milieu de toi un reste de gens simples et pauvres » dit Dieu. Sophonie 3, 12.

(2) Mais où se situe exactement Israël ? C’est vague. Au temps de Salomon, il n’avait  pas 50 km sur la Méditerranée... Il se situait plutôt au-delà du Jourdain, vers l’Est. De plus, c’est quoi un Juif ? Le membre d’une religion ? Le citoyen d’un pays ? Les deux ? Ce n’est jamais dit. Pourtant nombreux sont les Israéliens athées... Un rabbin  m’a dit un jour : « Oui, je crois que Dieu nous a donné une terre, mais avec une Loi, dont le centre est ‘Tu ne tueras pas !’. Et s’il faut, pour conquérir cette terre ou la conserver, bafouer la Loi, alors je n’y crois plus.

(3) Mt 25, 31 – 48.

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